2022-05-24 –, Auditorium 450
Bien qu’il y ait un engouement certain pour l’éducation ouverte et que de plus en plus de ressources éducatives soient offertes librement, on retrouve encore très peu de ressources en français et, dans le contexte qui intéresse le sujet de cette recherche, très peu de ressources créées ou adaptées pour les professeurs et étudiants du postsecondaire en milieu linguistique francophone minoritaire au Canada.
Le Canada compte un réseau de 22 établissements d’études postsecondaires francophones hors-Québec (ACUFC, 2020). La création et l’usage de REL en français pourraient être un moyen de mettre de l’avant la langue française et d’offrir des ressources éducatives accessibles et adaptées pour les étudiants qui étudient en milieu minoritaire. Toutefois, le mouvement actuel de l’éducation ouverte peut être perçu comme unilingue anglophone et homogène (Cobo, 2013 ; Hodgkinson-Williams et Trotter, 2018 ; Karakaya et Karakaya, 2020). Pouvons-nous donc dire que l’éducation ouverte est réellement ouverte, inclusive et équitable?
Des recherches récentes sur les pratiques de l’éducation ouverte abordent le sujet dans une optique d’inclusivité et de justice sociale (Bali et al., 2020 ; Croft et Brown, 2020 ; Hodgkinson-Williams et Trotter, 2018 ; Jenkins et al., 2020 ; Lambert, 2018 ; Thorne, 2016). Sachant que l’éducation ouverte et les REL se veulent un moyen de donner accès à des ressources éducatives, d’offrir la possibilité de les modifier, et de démocratiser la création et le partage de connaissances, nous devons tout de même nous pencher sur l’impact du discours de l’éducation ouverte sur les questions d’équité et d’inclusivité par rapport aux étudiants. Voulant créer un environnement stimulant pour les étudiants, les professeurs doivent être conscients de la manière dont les populations historiquement sous-représentées sont systématiquement et socialement exclues d'une pleine participation à ce type d’activité (Croft et Brown, 2020). Les étudiants francophones ou qui étudient en français en milieu linguistique minoritaire au Canada en sont un exemple, mais aucune étude recensée nous permet de mieux comprendre les enjeux d’inclusion ou de participation en éducation ouverte propres à cette communauté.
Lorsque nous considérons les REL et l’éducation ouverte selon une perspective linguistique et de justice sociale, « l’ouverture » du matériel didactique ne garantit pas sa réutilisabilité dans des contextes culturels distincts (Kurek, 2016). En plus de devoir adapter de manière critique ces ressources aux réalités pédagogiques, aux pratiques et aux priorités des apprenants pour bien répondre aux besoins du milieu académique, il faut prendre en compte le contexte local, culturel et linguistique. Mishra (2017) soutient cette affirmation en disant :
Understanding the socio-psychological milieu of teachers in the context of an educational institution and a country is important to successfully mainstream OER. Rather than focusing on the cost savings accrued with OER, the emphasis should be on building a culture of using OER in local contexts. (p. 377)
Ainsi, en choisissant une REL en anglais pour enseigner, il ne s’agit pas d’en faire une simple traduction. Même chose pour les ressources existantes de langue française provenant de pays en contexte linguistique francophone majoritaire. Pour assurer une expérience éducative motivante et authentique pour les apprenants, l’utilisation de REL, et en général les pratiques d’éducation ouverte, nécessite une adaptation au contexte local et une réflexion critique sur son contenu et son usage de la part de l’enseignant.
En considérant l’éducation ouverte dans une optique de justice sociale et d’équité, Lambert (2018) suggère une définition de l’éducation ouverte qui mise sur le potentiel du mouvement pour la justice sociale, notamment pour les apprenants marginalisés ou sous-représentés dans les systèmes :
Open Education is the development of free digitally enabled learning materials and experiences primarily by and for the benefit and empowerment of non-privileged learners who may be under-represented in education systems or marginalized in their global context. Success of social justice aligned programs can be measured not by any particular technical feature or format, but instead by the extent to which they enact redistributive justice, recognitive justice and/or representational justice (p. 239).
J’ai entrepris une thèse de maîtrise sur le sujet, car je considère cet axe de recherche, l’éducation ouverte et les minorités linguistiques, comme primordial car il cherche à répondre à un des enjeux fondamentaux de l’éducation ouverte, soit l’équité. En tenant compte de l’émergence du mouvement de l’éducation ouverte, particulièrement dans le milieu postsecondaire, je m’intéresse à mieux comprendre les pratiques de l’éducation ouverte des professeurs et bibliothécaires au postsecondaire au Canada en contexte minoritaire francophone. Je cherche à comprendre dans quelles mesures les pratiques de l’éducation ouverte sont adoptées ainsi que les défis rencontrés par les professeurs et bibliothécaires. Dans une perspective de justice sociale, je cherche aussi à mieux comprendre les enjeux d’équité entourant l’éducation ouverte en contexte francophone minoritaire.
L’objectif de cette présentation est de présenter les résultats initiaux de la collecte de données par questionnaire, lancée au printemps 2022, dans le cadre d’une maîtrise en éducation sur les pratiques de l’éducation ouverte en milieu francophone minoritaire dans le secteur postsecondaire au Canada. En plus de présenter le sujet de recherche et les résultats préliminaires, j’aborderais également ma démarche de recherche ouverte. La recherche ouverte suggère un état de réflexivité du chercheur par rapport à sa position personnelle (niveau social, culturel, les motivations derrière la recherche, etc.), relationnelle (vis-à-vis les participants), méthodologique, contextuelle et disciplinaire, et nécessite de la transparence (Humphreys et al., 2021).
Finalement, cette recherche s’inscrit dans les objectifs de développement durable des Nations Unis, particulièrement l’objectif 4, assurer à tous une éducation équitable, inclusive et de qualité et des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie, et l’objectif 10, réduire les inégalités, dans ce cas-ci les inégalités linguistique, dans les pays et d’un pays à l’autre (Nations Unies, s.d.).
Catherine Lachaîne est bibliothécaire de la réussite scolaire à la Bibliothèque de l'Université d'Ottawa. Elle complète présentement une thèse de maîtrise en éducation sur les pratiques de l'éducation ouverte et les minorités linguistiques francophones au Canada.