2025-11-28 –, Audition Room - 2nd Floor Language: Français
Introduction/Contexte
Madagascar, quatrième plus grande île du monde avec ses 587 000 km², présente des défis cartographiques uniques en raison de sa géographie complexe, de sa biodiversité exceptionnelle et de ses infrastructures en développement. Dans le contexte africain, où la cartographie ouverte joue un rôle crucial pour le développement durable et la résilience face aux catastrophes naturelles, OpenStreetMap (OSM) représente une ressource cartographique essentielle pour les communautés malgaches. Cependant, la qualité hétérogène des données OSM et les patterns de contribution inégaux constituent des obstacles majeurs à l'utilisation optimale de ces données pour la planification territoriale, la gestion des risques et le développement socio-économique. L'archipel des Comores et les autres îles de l'océan Indien occidental partagent des défis similaires, notamment en termes de couverture cartographique limitée des zones rurales, de représentation insuffisante des infrastructures locales traditionnelles, et de participation communautaire restreinte aux initiatives de cartographie collaborative. Cette problématique s'inscrit dans le contexte plus large de la fracture numérique en Afrique australe et de la nécessité de développer des approches méthodologiques adaptées aux spécificités insulaires pour garantir une cartographie participative inclusive et durable.
Objectif Principal de l'Étude
Cette recherche vise à analyser de manière systématique la qualité des données OpenStreetMap à Madagascar et à identifier les patterns de contribution pour développer des stratégies d'amélioration de la participation communautaire à la cartographie ouverte. L'objectif spécifique est triple : premièrement, évaluer la complétude, la précision géométrique et la cohérence sémantique des données OSM sur l'ensemble du territoire malgache en utilisant des métriques intrinsèques et extrinsèques ; deuxièmement, analyser les dynamiques spatiales et temporelles des contributions pour identifier les zones sous-cartographiées et les communautés de contributeurs actifs ; troisièmement, proposer un cadre méthodologique reproductible pour l'amélioration continue de la qualité des données cartographiques ouvertes dans les contextes insulaires africains. Cette approche intégrée permettra de formuler des recommandations pratiques pour renforcer l'écosystème OSM dans la région de l'océan Indien occidental et de contribuer aux objectifs de développement durable par une meilleure accessibilité de l'information géospatiale.
Méthodologie et Résultats Obtenus
La méthodologie adoptée combine l'analyse quantitative des données OSM avec des approches qualitatives d'évaluation communautaire. L'évaluation de la qualité intrinsèque a été réalisée en utilisant des indicateurs de complétude (densité des nœuds par km², couverture des types d'objets géographiques), de précision géométrique (analyse des incohérences topologiques), et de cohérence sémantique (validation des tags selon les standards OSM). Les données de référence proviennent de l'Institut National de la Statistique de Madagascar, des images satellites haute résolution, et des relevés GPS effectués sur le terrain dans six régions représentatives. L'analyse des patterns de contribution a été menée sur une période de dix ans (2014-2024) en utilisant des techniques de clustering spatial et d'analyse de séries temporelles pour identifier les tendances de participation. L'étude a également intégré une composante socio-technique par le biais d'enquêtes auprès de 150 contributeurs OSM malgaches et d'entretiens semi-directifs avec 25 acteurs clés du secteur géospatial.
Les résultats révèlent une couverture OSM hétérogène avec une densité de données élevée dans les centres urbains (Antananarivo, Antsirabe, Mahajanga) contrastant avec une sous-représentation significative des zones rurales et des régions reculées. La précision géométrique moyenne des données routières atteint 85% de conformité avec les standards cartographiques internationaux, mais chute à 45% pour les infrastructures rurales traditionnelles. L'analyse temporelle montre une croissance exponentielle des contributions entre 2018 et 2022, principalement liée aux initiatives de cartographie humanitaire, suivie d'une stabilisation en 2023-2024. Les patterns de contribution révèlent une concentration de 70% des éditions par seulement 15% des contributeurs actifs, suggérant des opportunités d'élargissement de la base participative. L'évaluation qualitative met en évidence les barrières linguistiques, technologiques et culturelles qui limitent l'engagement communautaire, particulièrement dans les communautés rurales où les connaissances géographiques locales restent largement inexploitées.
Discussion et Contribution Scientifique
Cette recherche apporte plusieurs contributions significatives au domaine des sciences géospatiales et de la cartographie participative en contexte africain. Premièrement, elle propose une méthodologie intégrée d'évaluation de la qualité OSM adaptée aux spécificités insulaires, combinant métriques quantitatives automatisées et validation communautaire participative. Cette approche méthodologique est reproductible et transférable vers d'autres territoires insulaires africains, notamment l'archipel des Comores, les Seychelles, et Maurice. Deuxièmement, l'étude établit pour la première fois un diagnostic complet de l'écosystème OSM malgache, fournissant des données de référence essentielles pour les futures recherches et interventions de développement. La caractérisation des patterns de contribution permet d'identifier les leviers d'action prioritaires pour renforcer la participation communautaire et améliorer la représentativité géographique des données.
L'analyse comparative avec d'autres contextes africains révèle des similitudes dans les défis de fracture numérique et de participation inégale, mais aussi des spécificités insulaires qui nécessitent des approches adaptées. La recherche contribue également à la compréhension des dynamiques socio-techniques de la cartographie collaborative en démontrant l'importance des facteurs culturels et linguistiques dans l'adoption des technologies de cartographie participative. Les résultats questionnent les modèles de développement technologique uniformes et plaident pour des approches contextualisées respectueuses des savoirs géographiques traditionnels.
Implications Pratiques pour la Communauté OpenStreetMap
Les implications pratiques de cette recherche sont multiples et directement applicables pour renforcer l'écosystème OSM en Afrique. Les recommandations incluent le développement d'interfaces utilisateur multilingues intégrant le malgache et les langues locales, la création de programmes de formation communautaire adaptés aux contextes ruraux, et l'établissement de partenariats avec les institutions éducatives locales pour intégrer OSM dans les curricula géographiques. La recherche propose également un protocole de validation collaborative des données impliquant les communautés locales comme garantes de la précision et de la pertinence culturelle des informations cartographiques.
Pour la communauté OSM globale, cette étude fournit des outils méthodologiques d'évaluation de la qualité reproductibles dans d'autres contextes géographiques, particulièrement utiles pour les initiatives de cartographie humanitaire en Afrique. Les indicateurs développés peuvent être intégrés dans les outils de monitoring existants pour améliorer le suivi de la qualité des données en temps réel. La recherche souligne également l'importance de développer des mécanismes de reconnaissance et d'incitation adaptés aux contextes socio-économiques locaux pour maintenir l'engagement communautaire à long terme.
Les résultats encouragent la création de communautés OSM régionales dans l'océan Indien occidental, facilitant le partage d'expériences et de bonnes pratiques entre Madagascar, les Comores, Maurice et les Seychelles. Cette approche régionale pourrait catalyser le développement d'une cartographie ouverte insulaire africaine plus robuste et culturellement ancrée, contribuant significativement aux objectifs de connectivité communautaire et de collaboration du thème de la conférence State of the Map Africa 2025.
Tombolaza Canut filamant est chercheur en sciences géospatiales et cartographie participative à l’Université de Toamasina à Madagascar, spécialisé dans l’analyse de la qualité des données géographiques ouvertes et le développement de méthodologies adaptées aux contextes insulaires africains.
Doctorant en géomatique appliquée au développement territorial, il mène depuis 2022 des recherches sur l’évaluation et l’amélioration des données OpenStreetMap dans la région de l’océan Indien occidental. Ses travaux portent particulièrement sur l’intégration des savoirs géographiques traditionnels malgaches dans les plateformes de cartographie collaborative et le développement d’outils d’évaluation de qualité adaptés aux spécificités insulaires.